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Droit spécial et droit commun de la responsabilité des constructeurs

Cass. Civ. 3ème, 11 mai 2022, n°20-18.318

La Cour de cassation a rappelé, par un arrêt en date du 11 mai 2022, que la garantie de bon fonctionnement figurant à l’article 1792-3 du Code civil, prime sur le droit commun de la responsabilité des constructeurs prévue par l’article 1231-1 du Code civil.  

Avant de pouvoir engager une action sur le fondement du droit commun de la responsabilité, il y a lieu de vérifier que les conditions d’application du droit spécial ne sont pas remplies. 

Le cas d’espèce porte sur l’effondrement d’un mur de soutènement situé à l’arrière d’une habitation, en raison d’une importante arrivée d’eaux souterraines en provenance des fonds supérieurs. 

Les propriétaires, en qualité de Maîtres d’ouvrages ont fait intervenir une entreprise pour réaliser des travaux de réfection des réseaux enterrés d'évacuation des eaux usées, comportant notamment le remplacement d'une fosse septique par un épurateur-percolateur.  

Malgré les travaux de reprise, les propriétaires de la parcelle située en contrebas se sont plaints de la persistance des désordres. 

Dès lors, ils ont assigné les Maîtres d’ouvrages et les intervenants à l'acte de construire en réparation, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

L’entreprise opposait l’échéance du délai de garantie biennale.

Pour rejeter ce moyen, la Cour d’appel de Fort-de-France retient que la prestation réalisée par l’entreprise, relevait de la seule responsabilité contractuelle de droit commun et non pas de la garantie légale biennale du constructeur.

Dès lors, la Cour d’appel a condamné sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun prévue à l’article 1231-1 du Code civil, l’entreprise à payer aux Maîtres d’ouvrage une somme correspondant à la reprise intégrale de l'épurateur-percolateur.

L’entreprise a formé un pourvoi en cassation, estimant que les désordres relevaient de la garantie biennale. 

Le pourvoi a été favorablement accueilli par la Cour de cassation.

La Cour de cassation a jugé que la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, en ne cherchant pas si les désordres relevaient de la garantie biennale prévue à l'article 1792-3 du Code civil, exclusive de la responsabilité de droit commun.

En application de l’adage lex specialia generalibus derogeant, le droit spécial prime sur le droit commun de la responsabilité des constructeurs.

Cette solution est constante : les désordres qui relèvent d’une garantie légale des constructeurs ne peuvent donner lieu à une action en réparation, contre les personnes tenues à cette garantie, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass. Civ. 3ème, 6 octobre 1998, n° 96-20.296).

Le même principe s’applique concernant la garantie décennale (Cass. civ. 3ème, 10 avril 1996, n° 94-13.157). 

Le droit commun est susceptible de s’appliquer mais de manière subsidiaire, uniquement lorsque les conditions d’application du droit spécial ne sont pas réunies.